Le monde agricole européen est en crise. Des normes toujours plus contraignantes, des taxes et impôts toujours plus lourds, des marges de plus en plus faibles ont conduit les agriculteurs dans la rue. Ce sont d’abord les Allemands qui ont exprimé leur colère, puis les Français qui ont organisé des blocus et coups de force notamment pour protester contre la fin d’un avantage fiscal sur le carburant. Alors que des convois de tracteurs partent à l’assaut des grandes villes de l’Espagne à la Pologne, l’un de nos sympathisants, professionnel dans le monde agricole, a souhaité nous apporter son point de vue.
Etat des lieux de la situation actuelle : un malaise exprimé sur la rentabilité et la concurrence déloyale, mais c’est l’arbre qui cache la forêt !
La démographie est l’essence même de l’agriculture : les hommes produisent pour nourrir d’autres hommes. Selon les projections, le nombre d’humains sur la planète devrait atteindre un pic en 2050 à plus ou moins 10 Milliards d’individus avant de lentement décroitre.
En parallèle, en France, entre 2010 et 2030, les enfants du Baby-boom (post 39/45) partent en retraite. Ce pic de départ, très représenté dans nos campagnes, est aussi surnommé « Papy-crash ».
Le résultat est sans appel : plus de bouches à nourrir avec moins d’agriculteurs !
L’agriculture française fait donc face à plusieurs défis :
- Nourrir en quantité et en qualité : augmentation démographique couplée à l’augmentation du niveau de vie de certains pays
- Adaptation au changement climatique, déjà visible pour les bovins, les troupeaux ne cessent de se décaler vers le nord, les animaux comme les cultures sont très sensibles à la chaleur.
- Nouvelles attentes des consommateurs : 24% des Français se déclarent « flexitariens »
- Transmissions des exploitations : 33% des agriculteurs ont plus de 55 ans et vont donc partir en retraite dans les années à venir
L’agriculture connaît des mutations profondes de son modèle économique.
Entre 1970 et 2020, le nombre total d’exploitations a été divisé par plus de cinq. Et la tendance continue. Au niveau de l’élevage, la France comptait 265’000 exploitations en 2020, ce chiffre pourrait être divisé par deux à l’horizon 2040.
Pour donner une autre perspective, le nombre d’exploitations d’une surface inférieure à 100Ha (1Ha = 10 000m²) sont toutes en diminution quel que soit le type d’élevage. Celles comprises entre 100 et 200 ha et celles supérieures à 200 Ha sont en légère augmentation.
On constate donc une consolidation quel que soit le type d’élevage.
Au global, tous types d’agricultures confondus, en 2010 le pays comptait 500 000 exploitations, et en a perdu 100 000 en 10 ans pour arriver à 400 000 exploitations en 2020.
Sans être pessimiste, au vu des chiffres, il semblerait logique d’arriver à environ 300 000 en 2030. Notons également que le nombre d’élevages diminue un peu plus vite que le reste des exploitations.
Les entreprises agricoles auront donc à gérer plus de production avec moins d’UTH (unité de travail humaine).
Cette concentration multifactorielle aboutira à des élevages plus gros, souvent spécialisés pour améliorer leur valeur ajoutée et/ou la qualité des produits.
De la commune à l’Union Européenne, une bureaucratie tentaculaire.
Rappelons que l’Union Européenne s’est formée sur l’objectif d’une monnaie unique, d’une politique agricole commune (PAC) et d’une zone de libre-échange.
La PAC visait à l’origine à tendre vers une souveraineté alimentaire : l’autosuffisance à l’intérieur du marché commun.
Puis c’est devenu au fil des décennies une arme pour imposer une vision politique avec un droit de vie et de mort sur nos agriculteurs. Si tu ne respectes pas nos règles, tu n’auras pas tes primes PAC, donc c’est la faillite.
La France donne à l’UE 22 milliards d’euros et en reçoit 9, uniquement pour l’agriculture. Les 13 autres sont sans doute utilisés pour le développement des autres pays membres et bien sûr pour les frais de fonctionnement de l’administration de Bruxelles.
Depuis 50 ans les machines à normes et réglementations en tous genres sont devenues folles, avec une administration pléthorique et hors de contrôle poursuivant des objectifs contradictoires.
Plus de bio, plus de production, plus de jachères, plus de conservation, moins d’irrigation, moins de phytosanitaire, un contrôle des transmissions des terres agricoles socialisé (SAFER), etc…
Chaque objectif, même pris individuellement, est souvent incompréhensible.
Comme si cela ne suffisait pas, les communes s’y mettent aussi et commencent à préempter les terres agricoles, c’est-à-dire l’outil de travail des agriculteurs, en voulant signer des baux contraignants pour que l’administration communale puisse décider des pratiques agricoles à l’échelon local. C’est digne de l’ex-union soviétique !
L’administration autour de l’agriculture en France est de 1 fonctionnaire pour 10 agriculteurs. Cela alors même que nous avons délégué la capacité décisionnelle à l’UE.
Sans compter tous les organismes de contrôle gravitant autour de l’agriculture.
Chaque échelon administratif en rajoute pour exister : Union Européenne, France, régions, départements, communauté de communes et maintenant les communes à l’échelon individuel.
Comme les agriculteurs l’ont résumé pendant leurs manifestations : « on marche sur la tête ».
Ceci aboutit à des idioties comme 14 réglementations concernant la coupe des haies autour des champs !
A ce rythme-là, il faudra un avocat en droit rural à plein temps par agriculteur uniquement pour comprendre les réglementations et être en conformité.
Rappelons une nouvelle fois le défi : 50% des agriculteurs partent en retraite dans les 10 prochaines années et il faut produire en quantité et qualité pour nourrir la population.
Il faut libérer les énergies. Une exploitation se gère comme une PME aujourd’hui. Les agriculteurs sont des chefs d’entreprises. Chacun doit pouvoir prendre ses décisions et en assumer les conséquences.
Les règles du jeu doivent être harmonisées à l’échelle européenne
Nous avons délégué notre compétence agricole à l’Europe, à quoi sert maintenant le ministère de l’agriculture français et autres « agri-administrations » ? A ajouter toujours plus de normes et à créer une concurrence déloyale contre les exploitants Français ?
La France est depuis toujours une terre agricole. C’est l’un des rares secteurs à être excédentaire du point de vue de la balance commerciale. Mais la situation se dégrade rapidement. Si nous ne fluidifions pas les transmissions, ventes et achats d’exploitations par une réduction drastique des contraintes et impôts, le réveil en 2030 sera catastrophique.
Si nous n’harmonisons pas les règles du jeu à l’échelle européenne, la France sera la grande perdante.
Réanimons la liberté d’entreprendre en agriculture, faisons confiance à nos agriculteurs, ils s’adaptent à leur environnement en permanence et depuis toujours, ce qui n’est pas le cas de l’administration.
Comme nous le soutenons depuis toujours au Parti Libertarien, faisons la Liberté, la Liberté fera le reste !