COMMENT SE LIBÉRER DE LA MORALINE ?
Le perfectionnisme, ou la moraline distillée en politique.
D’autres savent mieux que vous ce qui est bon pour vous. En tout cas, ils sont nombreux à avoir cette conviction chevillée au corps, et il semble que la majorité des politiciens y aient trouvé leurs motivations pour obtenir le pouvoir. Les sujets en la matière sont nombreux, entre la gestation pour autrui, la PMA, sujet de débat depuis des décennies, la répression des travailleurs du sexe, ou encore l’État qui se mêle de la vie des couples.
Le sujet emblématique de la guerre contre les drogues est parlant.
Malgré le fait que l’ONU ait acté « l’échec de la guerre contre les drogues » en 2016, l’État décide encore et toujours quel psychotrope vous pouvez consommer, ou non, en quelle quantité et en quelles circonstances. Nous pourrions argumenter que c’est pour protéger les autres de la conséquence de cette consommation, que l’État définit ces limites, et cela serait légitime. Mais en réalité, ces décisions sont davantage basées sur des a priori personnels ou culturels.
Non, tous les consommateurs de drogue n’ont pas commencé avec le cannabis, qui serait alors la porte d’entrée et la pente glissante vers d’autres substances.
Non, tous les consommateurs de cannabis n’ont pas une consommation problématique.
Même un confinement généralisé avec fermeture des frontières ne perturbe pas le trafic.
Malgré le constat univoque de l’échec de la guerre contre les drogues, l’État remet cent balles dans la machine avec une nouvelle approche reposant sur la pénalisation de la détention et de la consommation de stupéfiant assorti d’une amende forfaitaire, sans qu’à aucun moment ne soit posé la question de la légitimité d’une telle guerre. Aujourd’hui, consommer un psychotrope, sans raison médicale reconnue par la loi, et sans porter atteinte à autrui, est considéré comme un crime, alors qu’il n’y a pas victime. Des moyens de police considérables sont utilisés pour lutter contre ce phénomène, avec des saisies souvent ridicules, en témoignent les multiples publications des services de police sur les réseaux sociaux. D’ailleurs le ton de ces publications laissent penser que certains policiers n’approuvent pas cette course à l’échalote que l’on appelle couramment « la politique du chiffre », et qui vise avant tout la communication publique avant le maintien de la sécurité publique. La prohibition et la répression sont des échecs, mais les gouvernements successifs s’embourbent dans leurs biais moralisateurs.
La prostitution est également une activité honnie et victime depuis longtemps de diverses manœuvres de répression.
La prostitution est confondue avec le fait de réduire une personne en esclavage sexuel. Pourtant de nombreux travailleurs du sexe font cette profession volontairement sans être la victime d’une quelconque coercition, si ce n’est celle de l’État. Le délit de proxénétisme est dans les faits utilisés pour réprimer des travailleuses du sexe qui collaborent ensemble pour conduire leurs activités. Les clients étant visés par une amende pour sollicitation de service sexuel, sur le modèle prohibitionniste suédois depuis 2016, les travailleuses et travailleurs du sexes n’ont d’autre choix que de s’isoler davantage, ce qui les rend d’autant plus vulnérables.
Malgré les échecs de ses politiques, nos politiciens n’en démordent pas : ce qui est jugé moralement mal doit être réprimé.
Les pulsions moralistes et prohibitionnistes sont si automatiques et ancrés, que l’État français décidait en 2018 de pourchasser le CBD comme une drogue, alors que la substance n’est absolument pas psychotrope et n’a aucun effet nocif prouvé sur la santé. Cette interdiction idéologique vaudra à la France d’être condamné par la Cour de Justice de l’Union Européenne pour l’illégalité de cette interdiction en 2020.
Pourtant comme écrivait Michael Oakeshott : « Le gouvernement doit être conçu comme une activité spécifique et limitée. Il ne doit pas interférer avec la vie concrète des personnes privées, mais uniquement avec les activités en général et encore seulement avec les activités qui ont la propension de se heurter les unes les autres. Il ne doit s’occuper ni du bien moral, ni d’ailleurs du mal ; il n’est pas fondé à essayer de rendre les hommes bons et encore moins meilleurs. »
Il serait opportun de garder en tête que s’il n’y a pas de victime, il n’y a pas de crime.