Soins psychiatriques sans consentement 1/2

Partie 1 : une procédure extra-judiciaire

Avertissement

L’article ici présent a pour but de dénoncer les soins sans consentement et va, logiquement, décrier les soins psychiatriques. N’arrêtez pas vos traitements (médicamenteux ou non) et ne refusez pas les soins psychiatriques sur la base de cet article. Il n’a en aucun cas pour but de conseiller qui que ce soit sur la manière de se soigner mais de dénoncer certaines pratiques abusives.

Les soins psychiatriques sans consentement englobent les soins psychiatriques prodigués sous contrainte à un patient – supposément – atteint de troubles mentaux.

Ils sont justifiés notamment par le danger pour soi-même (en particulier le suicide et l’automutilation) et pour autrui (en particulier l’agressivité).

On y regroupe notamment :

  • L’hospitalisation sans consentement, c’est-à-dire l’hospitalisation contre la volonté du patient. Le patient est alors enfermé dans un établissement de privation de liberté. Dans le langage courant, on appelle ça un internement.

  • Les traitements (en particulier médicamenteux) qui sont imposés au patient, de diverses manières : injections mensuelles sous peine de ré-internement, médication forcée physiquement, etc.).

Pour hospitaliser quelqu’un sous contrainte psychiatrique, il y a plusieurs manières :

  1. L’HDT, ou Hospitalisation à la Demande d’un Tiers. Dans ce cas-là, un tiers (parents, fratrie, employeur ou même voisin) doit écrire une lettre avec toutes les informations personnelles du concerné (nom, prénom, âge, métier, etc.) à un psychiatre hospitalier. Par la suite, l’hospitalisation doit être confirmée par deux psychiatres, l’un des deux n’ayant aucune affiliation ni avec l’hôpital où va être reçu le patient, ni avec le demandeur de l’HDT.

  2. L’hospitalisation sans consentement en cas de péril imminent : l’avis de deux psychiatres est nécessaire mais la lettre du tiers n’est pas nécessaire.

  3. L’hospitalisation à la demande d’un représentant de justice qui s’effectue directement par le préfet lui-même. Dans ce cas-là, il suffit d’un certificat médical (cela ne peut se faire sans certificat médical préalable). Le patient reçoit également un examen somatique complet qui peut être fait sous contrainte chimique si celui-ci est réticent ou agité.

Enfin, quel que soit le type d’hospitalisation, le patient doit voir un juge : le juge des libertés et de la détention qui choisit de maintenir ou de lever la mesure de soins sans consentement. Ce juge reçoit normalement le patient au bout de douze jours. Ce système avec un juge n’est en place que depuis 2011.

De la théorie à la pratique

En théorie, ce système évite une bonne partie des abus. En pratique, il y a des exceptions :

  1. Les mineurs ne voient pas le juge des libertés et de la détention. L’hospitalisation sans consentement se fait à la demande des parents. De plus, un seul avis est nécessaire, contre deux chez l’adulte. Il est beaucoup plus facile de faire hospitaliser sous contrainte un mineur.

  2. Le cas du péril imminent : en cas de péril imminent, défini par le risque vital à très court terme en l’absence de soins. Ce système permet l’hospitalisation sans consentement du patient et la médication forcée avec l’avis de deux psychiatres, mais sans tierce personne (proche, voisin, …).

Selon un mini-reportage de BFMTV datant de 2010, il y aurait 10 000 internements abusifs par an. Bien que ce reportage date de novembre 2010 (il a donc été produit avant qu’il ne soit obligatoire de voir un juge après douze jours, mesure qui a été mise en place en 2011), ces chiffres sont confirmés par le nombre de levées de mesures de soins sans consentement par le juge : 1 hospitalisation sur 10 est annulée par le juge des libertés et de la détention, sachant qu’il y a environ 100 000 internements psychiatriques par an en France aujourd’hui, soit 237 par jour. De plus, le nombre de soins sans consentement ne faisant qu’augmenter, rien ne permet de penser que ce chiffre n’augmente pas également.

Seul un juge devrait être habilité à exercer de la coercition

Depuis la fondation du code pénal, notre système judiciaire se base sur une procédure très complexe pour priver quelqu’un de ses libertés. Pour enfermer un individu, il faut :

  1. que ce dernier ait commis un grave délit ou un crime ;

  2. qu’il y ait une procédure judiciaire adéquate assortie de preuves du délit ou du crime en question ;

  3. un avocat ;

  4. plusieurs audiences ;

  5. que le juge (et le jury, suivant le cas) décide de l’emprisonnement ;

  6. que la personne jugée ne fasse pas appel ou qu’elle soit condamnée en appel.

En psychiatrie, il suffit qu’un proche et deux psychiatres se mettent d’accord pour faire enfermer et médiquer de force un adulte majeur et vacciné pendant douze jours à minima, voir indéfiniment si le juge des libertés et de la détention accepte la mesure après ces douze jours et qu’il n’est pas saisi par le patient ou son tuteur.

Les psychiatres ne sont pas titulaires d’un pouvoir exécutif ou judiciaire

Est-ce vraiment normal, dans un état de droit, qu’une personne n’étant pas titulaire d’un pouvoir exécutif ou judiciaire puisse restreindre la liberté d’autrui ? La légitimité des psychiatres ne devrait-elle pas se limiter au seul diagnostic ? Seul un juge, après une procédure judiciaire en bonne et due forme, devrait être habilité à appliquer des mesures coercitives.

Interner quelqu’un car il a commis un crime ou un délit (dont la casse matérielle ou la violence physique) est un acte relevant de la justice. Il semblerait que la psychiatrie effectue le même travail que la justice, avec une procédure outrageusement simplifiée.

L’internement sous contrainte constitue donc une procédure de privation de liberté extra-judiciaire

Comment peut-on penser que le système d’hospitalisation sous contrainte, qui permet un enfermement relativement facilement, ne commet aucun abus alors que la procédure judiciaire, aussi complexe soit-elle, permet déjà l’existence de nombreuses erreurs ?

Admettons tout de même qu’il existe de (rares) cas de malades mentaux dangereux pour la société, et de très rares cas de patients schizophrènes ou atteints d’autres maladies mentales ou psychiques commettant des meurtres.

Supposons que demain vous décidiez de commettre un crime ou un grave délit. Pensez-vous que vous allez être enfermé dans la minute ? Pour commencer, il y aura une enquête. On peut vous placer en détention provisoire dans le doute, mais la présomption d’innocence – décrite dans l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen – demeure toujours. Avec toutes les procédures judiciaires, les appels, les tribunaux surchargés, l’enquête et les nouveaux suspects, il peut se passer plusieurs mois voire années avant que ne vous soyez définitivement emprisonné.

Et si vous étiez atteint, en parallèle, d’une maladie mentale ? Vous seriez directement enfermé, y compris si les preuves comme quoi c’est bel et bien vous qui avez commis ce crime ou délit ne sont pas suffisante pour prouver votre culpabilité. Aucune durée de peine ne sera prononcée à l’avance. Sans de procès, vous ne verrez un juge qu’au bout de douze jours. Vous serez forcé à prendre des médicaments, vous subirez de la contention, de l’isolement, etc. Un meurtrier non-malade sera probablement mieux traité que vous. Oui, il s’agit d’un système extra-judiciaire.

Comment agir avec un patient dangereux pour lui-même ou pour les autres ?

Nous verrons dans la seconde partie de cet article qu’en cas de danger pour les autres, il faudrait agir exactement de la même façon qu’avec quelqu’un qui ne présente aucun trouble : via une procédure judiciaire ; et qu’en cas de danger pour sois-même, il faut proposer au patient de l’aide, et, s’il refuse catégoriquement, ne rien lui imposer. Et oui, même en cas de péril imminent. Son corps, son choix.

Article signé @INTERNEMENTS (sur twitter) pour le PLIB, le Parti Libéral

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